La Tristesse du Roi (1952)
À la fois limpide, musicale et énigmatique,
la Tristesse du Roi intrigue encore, près de 70 ans après sa création.
Retour sur une œuvre majeure.
« Le roi triste, une danseuse charmeuse et un personnage grattant une espèce de guitare de laquelle s’échappait un vol de soucoupes volantes couleur d’or, faisant le tour supérieur de la composition pour aboutir en masse autour de la danseuse en action. » Voilà comment Henri Matisse décrivait lui-même La Tristesse du Roi. Un compte-rendu exact, bien sûr, mais évidemment partiel.
Ce que Matisse ne dit pas ici, c’est le souffle biblique d’une toile qui pourrait être une représentation de Salomé dansant pour le roi Hérode, ou encore un hommage au David jouant de la harpe devant Saül de Rembrandt. Mais le roi triste ne serait-il pas Matisse lui-même ? Et la toile son tout dernier autoportrait ? Réalisée deux ans avant la disparition du maître, en 1952, cette gouache découpée raconte, aussi, la vieillesse et les ultimes béatitudes d’un homme au crépuscule de sa vie.
Une vie qui, dans le cas de Matisse, aura été marquée par un amour immodéré pour la musique, au point d’en irriguer toute son œuvre. À l’image de nombreuses toiles du peintre, qui comparait volontiers instruments et couleurs, La Tristesse du Roi exprime une profonde musicalité qui ne s’arrête pas à la représentation d’une guitare. Entre correspondance des sons et des tons, travail sur le rythme et recherche d’harmonie, la gouache devient ici une véritable symphonie visuelle. Et l’on parle d’une symphonie entrainante !
Réalisée sans destination précise début 1952, La Tristesse du Roi fut pourtant l’une des œuvres-phares - aux côtés de La Chèvre de Picasso - du Salon de Mai organisé la même année. Elle est la première gouache découpée à être entrée dans les collections publiques françaises du vivant de Matisse. La Tristesse du Roi est l’incarnation même d’une toile à la fois tardive, majeure et immortelle.